Aline Pénitot est compositrice de musique concrète. Elle décèle la musicalité de sons enregistrés au microphone et en fabrique ensuite des compositions sonores. En 2013, elle découvre d’étranges similitudes entre le timbre du basson et les chants de baleines à bosse.

En résulte un projet complexe, entre recherche, exploration, expérimentation, composition et représentation, dont Why Note • Centre de création musicale a accueilli la Phase I en 2017 et et la Phase II le 5 décembre 2019 !

En amont du concert, l’artiste propose une petite chronique toutes les deux semaines pour nous embarquer dans son univers !

 S01 • E06 ● Un concert en immersion

En immersion : une ritournelle, un mot que l’on entend beaucoup ces temps-ci dans les projets artistiques. À se demander si nous n’avons pas besoin, de temps en temps d’échapper à quelque chose… alors pourquoi pas prendre le large…

Un concert en immersion qui partirait d’une démarche en immersion, qui partirait d’un travail sur les espèces marines… immergées au sens premier. De grandes chanteuses que sont les baleines à bosse, de grandes nageuses aussi…. de bien étranges nageuses qui se déplacent sur des milliers de kilomètres avec une nage si tranquille et puissante – bien lointaine de celle rapide et nerveuse des grands dauphins par exemple. Que savons-nous des techniques de nage ? Presque rien. Des sauts si impressionnants ? Presque rien…. Alors s’immerger dans le monde des baleines à bosse revient parfois, de manière vertigineuse… à se noyer !

Pour autant, j’ai imaginé passer un long moment avec des micros immergés pour les écouter dans l’océan indien. Déjà cela, les écouter. La première fois, j’ai tenu une minute, peut-être deux avant d’être submergée par l’émotion. Entre les enregistrements rapportés par les scientifiques et le direct, il y a un monde. Mais pourquoi le commandant Cousteau appelait l’océan, le monde du silence ? Si quelqu’un-e peut me répondre, je serai bien curieuse. Et j’ai immergé un premier haut-parleur, d’abord sans émettre, juste pour le geste. Je pensais diffuser la Litany for the Whale de John Cage, interprétée au basson mais je n’ai pas osé. Il m’a fallu un petit moment. Ce sont après un certain nombre de sorties en mer à la Réunion que j’ai pu écouter et jouer avec les baleines, immergée à la Réunion, avec les ami-e-s réunionnais-e-s dans l’Océan indien.

Peut-être que le concert du 5 décembre prochain va raconter cela. Nous serions immergés dans des haut-parleurs, des baleines vont surgir ça et là et peut-être nager autour de nous, peut-être chanter, peut-être que nous allons chanter avec elles, échanger des sons, des sentiments, des grognements… qui sait. Ce qui est certain, c’est qu’avec quelques millions d’année de moins d’évolution qu’elles, nous allons peut-être nous sentir un peu moins immergés, un peu moins développés, un peu moins animaux.