Pancrace c’est : Prune Bécheau, Arden Day, Julien Desailly, Léo Maurel et Jan Vysocky.

Pancrace est un collectif formé en 2015 à l’occasion d’une session d’enregistrement dans l’église St Pancrace à Dangolsheim (Alsace). Au départ de leur projet il y a l’orgue de cette église, que les musiciens ont eu la possibilité de « préparer » et autour duquel le collectif a enregistré un disque magnifique. Ensuite ils se sont réunis autour d’un instrumentarium étonnant, mélange d’instruments historiques – violon baroque, cornemuse irlandaise, flûte chinoise hulusi – de synthétiseurs artisanaux et d’instruments construits par le génial Léo Maurel : boîtes à bourdons, archets motorisés, hurgy toys… Ensuite ils ont construit leur propre orgue portable, piloté par ordinateur et éclaté dans tout l’espace de jeu. Pancrace cherche un rapport physique au son, d’abord dans le geste instrumental, en éprouvant les limites sonores de chacun des instruments, mais aussi en jouant avec les espaces acoustiques, la spatialisation. Il en résulte une musique ample et belle, d’une très grande poésie.

Toute la playlist : 

Machine de Kempelen

 À la fin du XVIIIe siècle, Kempelen a développé une « machine à parler » visant la reproduction des sons produits par le système phonatoire (voyelles mais aussi consonnes) au moyen d’une anche vibrante (au coeur de la machine), associée aux paramètres de pression et de géométrie du résonateur (formé par la main gauche). La gestion de ces différents paramètres permet l’émission d’une grande diversité de timbres – des « phonèmes » d’anche. Il est marquant de voir que cette machine à parler et la facture d’orgue partagent les mêmes savoir-faire de fabrication, mis à profit pour deux fonctions assez différentes.

● Yoshi Wada

Un des pères de la musique drone, il a construit plusieurs instruments à sons continus, inspirés de l’orgue, de la cornemuse écossaise. explorant ainsi les richesses des battements harmoniques, phénomène apparaissant lorsque deux notes proches sont jouées simultanément :

● Souffle

À l’ouverture et à la fermeture de cette pièce de Tobias Hume, interprétée par l’ensemble les Witches sur l’orgue historique de Frederiksborg au Danemark (datant de 1610), on entend nettement la « machine orgue » se remplir de son souffle. Le temps que l’air se propage depuis la soufflerie vers les porte-vents pour arriver jusqu’aux tuyaux, la fréquence augmente progressivement avant d’atteindre sa hauteur finale. Les interprétations des Witches sur cet album sont également frappantes dans leur manière de faire coexister des instruments de musique qui appartiennent communément à des sphères distinctes ou en perpétuelle voie de dédistinction (baroques/modernes, populaires/savants, profanes/sacrés).

● Gagaku

Le hichiriki (sorte de hautbois basse) utilisé dans la musique de théâtre japonais gagaku, instrument de musique à vent non régi par le tempérament égal, offre des formes de continuité de spectre, de fréquence et d’énergie qui sont extrêmement variées et puissantes.

● Lazar Kanevski 

Musique traditionnelle et populaire à la gaïda, la cornemuse bulgare. Un exemple d’instrument au timbre riche en harmoniques et dont le tempérament n’est pas égal. Par ses phrasés et ornements le gaïdar parvient à développer un jeu rythmique, ce qui pourrait paraître contre-nature sur un instrument ne pouvant produire aucun silence.

● Orgue de barbarie

Le carton perforé utilisé comme support musical dans l’orgue de barbarie est un ancêtre de la programmation musicale. En agençant les perforations, il permet de créer d’autres timbres, par exemples en additionnant plusieurs sons de flûtes, avec des durées bien précises. Comme ici, cette magistrale interprétation de Smooth Criminal par Patrick Mathis, où la boîte à rythme est resynthétisée par des clusters très courts de flûtes. 

À voir aussi : Pierre Charial est artisan noteur, c’est-à-dire fabricant de cartons pour orgues, et aussi musicien. On lui doit la survie de l’orgue de barbarie depuis les années quatre-vingt. Il se produit régulièrement avec son orgue Odin, augmenté d’une octave de basses dans son dos. Il joue des pièces de Ligeti, Stravinski, Chick Corea, et est passé véritablement maître dans l’art de retranscrire des effets de textures, de clusters, de trilles, de percussions.

 

● Orchestre d’enceintes

Petite piqûre de rappel, sur l’histoire du GRM et de l’acousmatique :

● Cloches de Werner

Encore un exemple de spatialisation du son. Le sonneur joue de cet instrument-lieu grâce à un réseau de cordes dont il est le centre. Sa gestuelle témoigne de la manière dont il s’est approprié l’instrument pour en faire son instrument, en créant sa propre interface de jeu. Les cloches sont pensées comme une extension du corps du sonneur, celui-ci s’accroche littéralement à elles. Il y a aussi une certaine ambivalence vis-à-vis du cadre de la scène (païen/religieux ?).
Un pendant organique de l’acousmonium.

● Structures Baschet

Sous l’influence de Pierre Schaeffer et de sa musique concrète, les frères Baschet décident dans les années cinquante de créer de nouveaux instruments répondant à ce nouveau solfège.

● Pancrace Royer

Compositeur claveciniste du XVIIIe siècle, auteur de cette pièce « vertige » fougueuse et volcanique (interprétée ici par Christophe Rousset), et à qui l’on doit (peut-être) notre nom !

● Alvin Lucier – Music for Solo Performer

Lucier produit une pièce dans laquelle il contrôle une installation sonore avec les ondes alpha produites par son cerveau lors de son endormissement;  lorsque l’humain s’endort, la machine se réveille. Une forme d’abandon.

● Fait divers

Ça se passe à l’église de Saint James en Normandie. [Le plaisir d’orienter les recherches musicales depuis les failles de la facture instrumentale ou des instruments défectueux, la sensibilité devant la fragilité des matériaux et leur malléabilité, un vague penchant pour Fluxus… et hop nous optons collectivement pour cette petite touche finale : un fait divers en forme de vanité.]