<br>SAISON ICI L’ONDE<br> <br> EXPOSITION <br/> 8 avril – 11 juin <br/>  ● Sound & Vision  ● <br>Interface <br/> <br>Jean Dupuy, Tom Johnson <br>et les étudiants de l’ENSA Dijon

EXPOSITION
Arts sonores

Du 8 avril au 11 juin
 14 h 00-18 h 00

Interface
12 rue Chancelier de l’Hospital, Dijon
www.interface-art.com

Entrée gratuite (sur rendez-vous pour les professionnels)

Réalisé dans le respect des conditions sanitaires en vigueur.

Cette exposition est une invitation d’Interface faite à l’ENSA Dijon, présentant des œuvres sélectionnées par Jean-Christophe Desnoux, professeur à l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon, Nicolas Thirion, artiste associé dans le cadre de l’Atelier Recherche et Création Arts du Son de l’ENSA Dijon, et Frédéric Buisson, directeur artistique d’Interface.

Avec Lauren Balganon, Simon Bart, Dorine Bernard, Jean Dupuy, Marek Guillemeney, Tom Johnson, Armand Louet  

 

Sound&Vision vs Vision&Sound, on ne sait plus bien définir la frontière, la porosité entre ces deux mondes de création et peu importe ! Des plasticiens viennent sur le territoire de la musique et vice versa, des musiciens mettent en forme plastique certaines de leurs compositions. Pour la 12e année de notre partenariat avec l’ENSA Dijon, nous avons orchestré, mixé deux générations opposées uniquement par l’âge : de jeunes étudiants, artistes en devenir, et deux artistes à la carrière très établie : Jean Dupuy (né en 1925) et Tom Johnson (né en 1939). Pour rendre audible cette composition-exposition, Interface a invité Nicolas Thirion, directeur artistique de Why Note, centre de création musicale et intervenant dans l’Atelier de Recherche et de Création Arts du son auprès de Jean-Christophe Desnoux, enseignant à l’ENSA Dijon. Nous avons la chance dans cette grande région réunie, d’avoir deux Fonds régionaux d’art contemporain débordant de trésors… dont ont été extraits pour l’occasion un ensemble d’œuvres de Jean Dupuy appartenant à la collection du Frac Bourgogne et des dessins de Tom Johnson de la collection du Frac Franche-Comté. Au contact de ses deux « monuments » de la création contemporaine, les œuvres (sculpture sonore, vidéo, son, performances) des étudiants viendront matcher et donner de la voix à cette sélection d’œuvres historiques.

Deux œuvres majeures de Jean Dupuy sont notamment présentées, en plus de quelques autres homophonies (portées musicales qui prennent également un sens verbal). Dans la première pièce, sont données à voir deux toiles anagrammatiques et une peinture murale représentant son Horloge musicale. Ces éléments prennent racine et sens dans une sculpture, Lazy Suzan, absente de l’exposition pour cause de format (mais visible en photographie et décrite dans les textes) ! Au milieu des années 1960, Jean Dupuy rejoint New York et se rapproche de la scène Fluxus, émergente à l’époque, dans le quartier de Soho. Parmi les pratiques qu’il développe, la performance prend une importance capitale et il sera le premier à organiser des nuits entières où s’enchaînent à un rythme effréné des performances collectives (le « Grommet Studio » dans le loft de son ami George Maciunas). La scène artistique new-yorkaise est présente, décloisonnant notamment les passerelles entre Art et Son : Philip Glass, Nam June Paik, Laurie Anderson, Vito Acconci, Robert Breer, Jacqueline Dauriac, Dick Higgins, Joël Hubaut, Walter de Maria, Gordon Matta Clark, Robert Filliou, George Maciunas, Orlan, Richard Prince, Claes Oldenburg, etc. Lazy Suzan naît de la première performance de Jean Dupuy en 1974 sur ce plateau rotatif en bois : l’artiste se rase en direct et, par un jeu de miroir et de rotation du plateau sur lequel il se tient, le public découvre ses deux visages : avant et après ! En 1979, Jean Dupuy stoppe la performance et décide de cadenasser le plateau tournant (« Lazy Suzan » étant le nom du roulement à billes) et de lui donner une seconde vie sous forme de sculpture à l’aide de deux échelles en bois. Malgré ces efforts, comme le dit Jean Dupuy, ce plateau continuera à tourner grâce à la rotation de la Terre !… mais de façon « lazy art », un art paresseux dont il fera usage régulièrement.
Pour en revenir à la problématique du son, Jean Dupuy termine fréquemment ses anagrammes par un surplus de lettres dont il fait des notes, une partition visible sur la toile de Lazy Suzan. Ce jeu de mots, de lettres et d’équation de couleurs finit par l’emmener dans un territoire sonore qui le conduira à dessiner cette Horloge musicale issue de ces notes-mots. Par un ingénieux système, il propose une partition musicale qui peut être activée sous forme d’un concert de solo, duo, trio ou quatuor !
Dans l’espace de la cave, est présentée l’œuvre majeure de Jean Dupuy de 1968 : Heart Beats Dust (ou Cône Pyramide). Ce cœur qui bat la poussière est l’une des premières œuvres dans laquelle le public est réellement acteur pour faire Œuvre. Par un jeu d’amplification, chacun est convié à écouter le battement de son propre cœur à l’aide d’un stéthoscope. Cette pulsion, ce beat primaire musical, déclenche une membrane sur laquelle est déposée un pigment organique rouge très volatil (Lithone Rubine). La boîte étant hermétique, les particules s’élèvent du cratère et forment, par un jeu de lumière conique et de base carrée, un cône pyramidal (forme géométrique impossible). Cette sculpture de poussière est à la fois visuelle et sonore, et sa monstration nécessite obligatoirement l’action de l’observateur. Présentée au MoMA de New York pour le concours lancé par E.A.T. (Experiment in Art & Technology), Jean Dupuy sera propulsé dès son arrivée sur la scène artistique new-yorkaise et sera pris en charge par l’importante galerie Sonnabend jusqu’en 1973.

Autre grande figure, Tom Johnson, compositeur franco-américain bien connu de la musique minimaliste. Son travail est purement mathématique, et fonctionne presque exclusivement à partir de la gamme dodécaphonique (12 demi-tons) : il dit préférer travailler avec les notes plutôt qu’avec des sons. Il les fait correspondre à des nombres entiers qu’il va arranger mathématiquement, via des partitions graphiques composées de dessins. La composition musicale n’est donc pas guidée par sa subjectivité, mais régie par des ensembles de règles, de suites logiques, organisées. Tom Johnson dit lui-même vouloir « trouver la musique et non la composer ». Son œuvre, assez rapidement comprise et prévisible par le spectateur, joue donc d’avantage sur la tension liée à l’attente, et même à l’anticipation de ce qui est à venir, que sur un effet de surprise pour l’auditeur. Sur les murs d’Interface, une série de sept dessins, intitulés Clarinet Trio, sont de ces partitions graphiques et portent en eux le son inaudible de leur interprétation. Le visiteur, à la lecture de ces partitions, recompose intérieurement la suite de notes et recrée la pièce pour lui seul. Ces œuvres sonores muettes s’affranchissent d’être performées pour être incarnées. Quant à leur composition, elle a recours à des concepts mathématiques complexes, du domaine dit « combinatoire », un agencement logique de groupes de nombres. Ici, les notes sont arrangées par accords de trois, et suivent différentes règles du jeu : pour exemple, deux groupes doivent se suivre en comportant une note commune, ou au contraire n’en comporter aucun. D’autres règles sont plus complexes à mettre en mots, confirmant l’importance des partitions graphiques, qui rendent palpable une réalité sonore complexe à verbaliser. Cette suite de dessins est ici un écho parfait à l’Horloge musicale de Jean Dupuy.

En contrepoint de ces deux figures de l’histoire de l’art, le parcours s’enrichit des productions des étudiants de l’Atelier de Recherche et de Création en s’investissant dans des formes très diverses. Les Observations sur les fruits de Lauren Balganon interpellent directement le visiteur, l’invitant à se rapprocher d’elles pour les entendre, et ses Instructions sonores en libre-service lui donnent une série d’indications, sorte de règles du jeu poétiques – quoiqu’un peu extrêmes ! – pour sa visite. Au détour d’une porte, dans l’espace liminaire qu’est la salle de bain de l’appartement, une mystérieuse boule (Roule ma boule, Armand Louet et Dorine Bernard) déverse des sons lors de ses pérégrinations, que l’on découvre dans une projection accompagnant la sphère, posée là, statique. Autre voyage immobile : une vidéo de Simon Bart esquisse un monde alternatif numérique sur fond de Vaporwave, ce style musical né de la (contre-)culture internet et du sample, aussi bien sonore que visuel, avec la naissance des memes. Marek Guillemeney a, lui, troqué une première idée de crêpe-party sonore, peu « covido-compatible », contre une activation d’instruments de musique entièrement DIY, réalisés à partir de matériaux pauvres, qui fera l’objet d’une performance en huis-clos avec Armand Louet et Dorine Bernard qui sera documentée et mise à disposition sur les réseaux.  

Écouter la version numérique de l’Horloge Musicale en direct : 
(il peut être nécessaire d’activer les autorisations de son de votre navigateur)

Voir les performances des étudiants :

 

Production
Why Note, Interface, FRAC Bourgogne, FRAC Franche-Comté, ENSA Dijon